Publié le 15 décembre 2023
Article écrit par Expansio

Nouvelle ère, nouveau monde : le développement international en 2030.

Cet article fait suite à la conférence digitale animée par Sophie GUICHARD pour Expansio sur Coryllis, le 30 Novembre dernier.

Avec  :

Jean-Michel Huet associé au sein du cabinet BearingPoint après avoir travaillé chez France Télécom et chez PwC. Il accompagne depuis plus de 20 ans, les opérateurs télécoms et utilities, médias, gouvernements et institutions internationales dans leur stratégie de développement. Il intervient notamment dans la transformation digitale des organisations. Il dirige les activités « Africa & International Development » (A&ID) de BearingPoint et intervient depuis une dizaine d’années dans plus de la moitié des pays du continent africain pour leur développement et leur transformation. Il a ouvert le bureau de Casablanca du cabinet en 2011. Jean-Michel Huet est l’auteur d’une vingtaine de livres dont Stratégie Internationale (2015) chez Dunod, le Digital en Afrique aux éditions Michel Lafond (2017) et Le développement de l’entreprise à l’international chez Pearson (2018). Il pilote aussi depuis 2010, l’Observatoire du développement international, observatoire sur le développement international des entreprises, en partenariat avec HEC et La Tribune. Jean-Michel Huet est diplômé de Sciences Po Paris et de NEOMA Business School.

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Nathalie Rodary : Inspiratrice & Fondatrice du LEADERSHIP HUMANISTE® – Son dernier livre « Nouveau Monde cherche Nouveaux Dirigeants : Leadership Humaniste » signe un véritable manifeste pour l’émergence d’un renouveau. Créatrice de deux entreprises dédiées aux dirigeants (ALKEA Stratégie en 1994, ASSARY Coaching en 2004), membre de l’APM (2012-2017), Nathalie Rodary est aussi une artiste humaniste engagée sur scène (production d’un CD, concerts Salle Gaveau, Cirque d’hiver…). Inspiratrice, elle questionne et nous emmène dans ce monde d’après.

Le développement international doit être appréhendé par les entreprises comme un cycle continu.

Dans un récent article pour la Harvard Business Review, Jean-Michel Huet a en effet partagé une perspective intéressante sur le développement international, soulignant que cette dynamique doit être appréhendée comme un cycle sans fin. Il précise que le commerce international est en constante évolution et requiert une approche stratégique toujours en mouvement.

Jean-Michel Huet : même les investissements importants comme l’ouverture de filiales doivent être envisagés avec une vision à long terme, incluant la possibilité de quitter un marché si nécessaire. Trop souvent, les entreprises omettent d’intégrer cette perspective de sortie dans leur analyse, un élément crucial pour évaluer les coûts réels d’une expansion internationale. En interrogeant des entreprises dans le passé, j’ai également constaté que la moitié d’entre elles avaient déjà dû se retirer d’un marché dans lequel elles avaient investi, c’est donc une réalité importante dans le monde des affaires.

Un changement de paradigme dans les cycles d’innovation et de développement international.

Jean-Michel Huet : Alors qu’auparavant, on pensait que les innovations provenaient des pays développés pour se répandre dans les économies émergentes, la situation a changé. Nous avons des exemples concrets tels que l’innovation « inversée » ou « frugale », où les pays émergents créent des solutions uniques et novatrices, souvent remontant vers les pays développés. Des exemples tels que les technologies médicales mises en place dans les économies émergentes et ensuite adoptées en Occident, ou encore l’utilisation répandue des paiements par téléphone mobile en Afrique bien avant que cela ne devienne une norme dans les pays plus développés, illustrent cette évolution. Cette tendance démontre que le développement international n’est plus un processus unidirectionnel descendant, mais plutôt un échange mutuel et réciproque entre les nations, où les innovations peuvent provenir de n’importe où dans le monde.

Au cours des dernières décennies, le développement international a connu une expansion sans précédent, marquée par des avancées technologiques spectaculaires mais aussi de très grands bouleversements géopolitiques. En face, une interconnexion croissante des économies mondiales. Ces dynamiques engendrent des paradigmes nouveaux qui forcément nous interrogent aujourd’hui.

Sophie Guichard : Comment les stratégies d’exportation et le développement international ont-ils évolué depuis les années 2000 jusqu’à aujourd’hui et quelles sont déjà les principales tendances observées actuellement ?

Un élargissement géographique du champ des entreprises.

Jean-Michel Huet : Deux tendances majeures dans l’évolution du développement international. Tout d’abord, un élargissement du champ géographique des entreprises. Alors qu’auparavant, beaucoup se concentraient principalement sur l’Europe, on observe une expansion vers des zones géographiques plus éloignées telles que l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique. Cette diversification est motivée par la recherche de nouveaux marchés avec moins de concurrents, même si cela peut entraîner des défis liés à la sécurité et aux modalités de paiement.

Parallèlement, une seconde tendance émerge : une plus grande agilité dans les stratégies commerciales internationales. Les entreprises adoptent des modèles plus flexibles, privilégiant les coûts récurrents (opex) plutôt que les investissements lourds (capex). Cette évolution vers des coûts récurrents s’inscrit dans une logique d’adaptabilité, permettant aux entreprises d’être plus réactives et moins dépendantes des investissements massifs, même si cela implique de prendre davantage de risques.

Cette agilité se révèle être un changement significatif, surtout pour des secteurs qui traditionnellement nécessitaient des investissements conséquents en amont, tels que la construction d’usines ou d’infrastructures.

Cependant, certains secteurs, axés principalement sur l’exportation, étaient déjà enclins à cette logique de coûts récurrents.

Enfin, une troisième tendance pointée par Jean-Michel Huet est l’accentuation de la logique de coopération. Les chaînes de valeur, de la production à la vente, sont de plus en plus intégrées, impliquant un plus grand nombre d’acteurs. Cette approche coopérative, bien que moins répandue auparavant en France, tend à se renforcer. Contrairement aux entreprises allemandes, qui ont une stratégie de filière bien établie, les entreprises françaises étaient moins naturellement orientées vers cette coopération à grande échelle.

Ces évolutions représentent des changements significatifs dans les stratégies commerciales internationales, marquant une transition vers des approches plus diversifiées, agiles et coopératives pour saisir les opportunités offertes par un monde en mutation constante.

La France n’a pas encore atteint le niveau de collaboration observé chez les Allemands.

Il y a des changements en cours en France concernant la logique de coopération dans le développement international, attribuables à plusieurs facteurs.

D’abord,les incitations des pouvoirs publics, notamment via le ministère des Affaires étrangères, qui depuis une décennie a lancé des initiatives pour encourager les exportations, en mettant l’accent sur des secteurs spécifiques et en cherchant à impliquer des entreprises de tailles diverses, adoptant ainsi une approche de filière. Cependant, changer une mentalité ne se fait pas en un laps de temps aussi court.

La France n’a pas encore atteint le niveau de collaboration observé chez les Allemands dans ce domaine. En revanche, j’observe une montée des pressions réglementaires qui poussent les entreprises à coopérer davantage. J’ai un exemple récent lié à la réglementation sur la biodiversité où des grandes entreprises se sont retrouvées confrontées à des amendes, non pas pour leurs propres actions, mais en raison des pratiques de leurs sous-traitants ou de leurs distributeurs, jusqu’au quatrième niveau de relation commerciale. Cette situation souligne l’importance croissante d’une intégration plus étroite entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pour répondre à ces enjeux réglementaires.

Une mutation des pratiques dans le développement international.

Cette évolution montre qu’aujourd’hui, il est de plus en plus crucial pour les entreprises d’opter soit pour une approche d’isolement, qui n’est plus aussi efficace, soit pour une véritable coopération avec l’ensemble de leurs écosystèmes, intégrant ainsi tous les maillons de leur chaîne d’approvisionnement.

Ces changements reflètent une transformation progressive vers une coopération plus étroite, dictée à la fois par des incitations gouvernementales et des pressions réglementaires, illustrant ainsi une mutation des pratiques dans le développement international.

Sophie Guichard : Quelles sont selon les progrès technologiques les plus impactants et disruptifs pour le développement international d’ici 2030, comment ces avancées pourraient-elles changer la manière dont nos entreprises exportent leurs produits-services ?

Jean-Michel Huet : Tout d’abord, l’évolution des paiements digitaux, même si l’Europe est relativement bien structurée en termes de régulation et de sécurité des paiements, d’autres régions du monde expérimentent une révolution dans ce domaine. Les paiements numériques permettent des transferts d’argent plus faciles et sécurisés, notamment via les paiements par téléphone mobile, qui gagnent en popularité et simplifient les transactions pour les vendeurs et distributeurs, réduisant ainsi les risques liés à la circulation d’espèces.

Également l’importance croissante des réseaux sociaux comme outil de communication pour les entreprises, offrant de nouvelles opportunités pour toucher des marchés éloignés et faciliter les échanges entre commerçants dans des régions différentes.

En ce qui concerne les technologies collaboratives et leur impact significatif sur la manière dont les entreprises opèrent à l’échelle mondiale, j’ai l’exemple de votre initiative Coryllis initiée par Expansio.

Les modèles de travail décentralisés à l’échelle mondiale, aujourd’hui courants, étaient inexistants il y a 20 ans, leur impact est transformateur.

L’essor de la réalité virtuelle (RV) et de la réalité augmentée (RA) : bien que leur adoption n’est pas encore généralisée, je voit des cas d’utilisation de la RV notamment dans la formation professionnelle et l’immobilier, avec des possibilités futures dans d’autres domaines, mais cela prendra du temps. L’intelligence artificielle (IA) est un domaine qui explose actuellement et transforme déjà la façon dont les entreprises opèrent à l’échelle mondiale. L’IA apporte un avantage compétitif en accélérant les processus de proposition commerciale, de correction de contrats et d’analyse de données, permettant ainsi un gain de temps significatif pour les entreprises qui l’adoptent.

De plus, l’exemple des drones, aujourd’hui un élément important dans la distribution, en particulier dans les régions difficiles d’accès, ce sont des outils essentiels pour assurer la traçabilité et la surveillance des productions, notamment dans le secteur agroalimentaire.

Un autre exemple sur l’impact des nouvelles technologies dans le domaine du livre : alors que le livre numérique n’est pas prévu pour dominer le marché du livre dans les prochaines décennies, la technologie d’impression à la demande, plus abordable économiquement, pourrait permettre de rendre les livres papier accessibles à un coût raisonnable dans les régions où les prix sont actuellement prohibitifs en raison des coûts d’importation.

En résumé, les avancées technologiques telles que les paiements digitaux, les réseaux sociaux, l’IA, la RV, l’exemple des drones et de  l’impression à la demande sont autant de domaines qui transformeront la manière dont les entreprises opèrent à l’échelle mondiale, en leur offrant de nouvelles opportunités et en optimisant leurs processus d’exportation.

LES INNOVATIONS CLÉS : PÔLE MAJEUR DE DÉVELOPPEMENT À L’INTERNATIONAL D’ICI 2030

Sophie Guichard : Sur les innovations clés, dans un questionnaire réalisé pour l’Observatoire du Développement International,  90% des entreprises estimaient que l’innovation sera un pôle majeur de développement à l’international d’ici à 2030 et ce quelle que soit l’activité, le marché ou la filiale. 85% de ces mêmes entreprises considéraient l’innovation à l’international comme l’un des axes de développement pour se différencier et rester compétitif. Mais vous indiquiez également que l’innovation peut permettre à une entreprise de consolider ses parts de marché en trouvant de nouveaux clients, c’est une évidence, bien sûr, et en proposant des services sur un nouveau territoire. Mais il y a aussi d’autres raisons qui justifiaient le développement de l’innovation lors du sondage : 45% des entreprises souhaitaient investir dans l’innovation afin uniquement de faire des économies de coûts, donc de dégager plus de marge, tandis que 30% de ces entreprises investissaient uniquement pour renforcer leur image. Ces statistiques sont les mêmes aujourd’hui ?

Jean-Michel Huet : Les innovations technologiques jouent un rôle essentiel dans le développement international des entreprises. Selon les données recueillies par l’Observatoire du Développement International, la majorité des entreprises estiment que l’innovation sera un pôle majeur de développement d’ici à 2030. Parmi les motivations pour investir dans l’innovation, on retrouve la recherche de nouveaux clients et marchés, l’efficience des coûts, ainsi que la volonté de renforcer l’image de l’entreprise.

Ces statistiques ont peu évolué ces derniers temps. L’innovation reste un levier pour conquérir de nouveaux marchés, améliorer les services et réduire les coûts, mais l’importance de l’image de marque a légèrement diminué. Actuellement, de nombreuses entreprises reconnaissent l’importance des avancées technologiques, mais certaines ne savent pas toujours comment les intégrer efficacement à leur stratégie. Ce manque de connaissance et d’expertise peut représenter un frein à l’adoption de ces technologies, surtout dans les PME où ces sujets ne sont pas nécessairement au cœur des métiers traditionnels.

Une prise de conscience croissante concerne la cybersécurité. Alors que cette dimension était peu évoquée il y a une décennie, aujourd’hui, avec les cyberattaques de plus en plus fréquentes, les entreprises sont de plus en plus conscientes de la nécessité de protéger leurs données et celles de leurs clients. Cependant, investir dans la cybersécurité n’apporte pas directement de nouveaux clients ou ne réduit pas les coûts, mais c’est une assurance contre les risques.

Une autre préoccupation majeure est la pénurie de compétences dans ces domaines technologiques émergents. Les entreprises identifient souvent le manque de compétences comme l’un de leurs principaux défis pour intégrer ces nouvelles technologies. Avec des compétences rares, coûteuses ou parfois inexistantes, la capacité à utiliser pleinement ces nouvelles avancées technologiques devient un enjeu crucial pour de nombreuses entreprises.

L’innovation technologique reste un moteur important pour l’internationalisation des entreprises, mais l’intégration réussie de ces avancées demande non seulement des efforts pour adopter ces technologies mais également pour développer les compétences nécessaires au sein des équipes.

REPENSER LE LEADERSHIP DANS UN MONDE EN PLEINE MUTATION

Sophie Guichard : Comment faire, quand on est dirigeant, directeur, responsable d’export, la tête dans le guidon, pour se questionner, se remettre en question, parce que c’est de là aussi que vient souvent le danger, nous-mêmes. Et vous le dites vous-même, je cite dans un article, « la même pensée produit la même émotion qui engendre la même action et donc les mêmes résultats ». Je confirme, les résultats de la Balance du Commerce eextérieur de la France sont catastrophiques depuis 20 ans. Comment on fait quand on est dirigeant de ces mêmes entreprises, responsable d’export, consultant comme Expansio et nos partenaires Coryllis pour rentrer dans ce changement de modèle ?

Il est capital de repenser le leadership dans un monde en pleine mutation.

Nathalie Rodary : La technologie n’est pas la clé, mais plutôt un outil qui peut amplifier nos actions, pour le meilleur ou pour le pire. Le vrai défi se situe au niveau de la conscience humaine. Sans cette évolution de conscience, les avancées technologiques ne font que perpétuer les problèmes actuels au lieu de créer un changement positif.

Tout leadership n’est pas nécessairement bénéfique.

Dans cette ère de mutation, il est impératif de tout repenser, de redessiner les modèles de pensée et d’action. Sur le besoin de nouveaux modèles économiques,  ceux-ci sont une conséquence d’une transformation plus profonde. Cela nécessite de repenser les gouvernances pour les adapter à ces nouveaux défis.

Sur les freins à l’adoption de nouveaux modèles et à l’évolution des mentalités.

Le premier frein est la résistance au changement des modèles existants. Ensuite, il y a une difficulté à innover et à repartir à zéro. Le troisième point concerne les structures de gouvernance souvent figées dans des schémas traditionnels. Enfin, je souligne l’importance de la conscience dans les actions et dans le déploiement de nouvelles initiatives. J’ encourage les dirigeants à repenser leurs modèles et à s’interroger sur leur impact sur l’humain et la planète : la nécessité de se reconnecter à ses valeurs profondes et de déployer une conscience plus éclairée pour créer des actions véritablement bénéfiques.

Les vrais leaderships sont ceux qui écrivent de nouvelles pages, qui redessinent les normes existantes pour améliorer réellement la condition humaine et non simplement servir des intérêts économiques. J’appelle à une transformation spirituelle et corporelle pour créer des changements authentiques et positifs dans le monde.

Sophie Guichard : Comment les modèles d’affaires évoluent-ils pour s’adapter aux exigences du marché international? En quoi la gouvernance d’entreprise peut-elle jouer un rôle crucial pour l’expansion internationale des entreprises françaises ?

Nathalie Rodary : Je mettrai l’accent sur la nécessité de leaders visionnaires capables de repenser les modèles économiques pour qu’ils soient réellement bénéfiques, responsables et conscients. Le vrai leadership ne consiste pas simplement à suivre la course effrénée vers de nouveaux modèles basés sur la technologie ou l’argent, mais à être en avant-garde dans une démarche consciente et éclairée.

La conscience éclairée devrait être au cœur des décisions et des orientations stratégiques des entreprises pour leur expansion internationale.

L’élément crucial dans les gouvernances d’entreprise est la promotion d’une conscience éclairée chez les dirigeants, chacun individuellement. Cette conscience éclairée doit guider la réflexion sur les modèles économiques afin qu’ils servent véritablement le bien-être de tous, plutôt que de contribuer aux maux du monde. En somme, la conscience éclairée devrait être au cœur des décisions et des orientations stratégiques des entreprises pour leur expansion internationale.

Jean-Michel Huet : Et cette approche centrée sur la conscience est tout à fait pertinente dans le contexte actuel.

DE L'IMPORTANCE DE LA QUALITÉ DES ÉCHANGES HUMAINS DANS L'ÉCONOMIE :

Sophie Guichard : Quelles nouvelles compétences seront essentielles demain pour travailler dans le commerce international ?

Jean-Michel Huet : : La formation traditionnelle dans les écoles de commerce peut manquer de professionnalisation des compétences pratiques. Au-delà des compétences techniques, les « soft skills » sont cruciales, notamment la compréhension des différences culturelles. J’évoquerai également un point de vue controversé : l’importance potentielle décroissante des langues étrangères dans le contexte de traduction avancée via l’intelligence artificielle. Le besoin d’une culture générale plus approfondie et d’une compréhension historique pour naviguer efficacement dans le commerce international.

Nathalie Rodary : C’est toute l’importance de la qualité des échanges humains dans l’économie, la nécessité d’une dimension humaine et d’une conscience éclairée dans les échanges internationaux. Quelle est la véritable motivation derrière l’internationalisation des entreprises ? Il est important d’apporter de réels bénéfices à tous les acteurs impliqués et de contribuer au développement des pays d’accueil. L’importance d’une approche holistique du commerce international, non seulement axée sur le profit, mais également sur le développement des compétences locales et sur une réelle contribution au bien-être des populations des pays concernés. Les mentalités doivent évoluer vers une responsabilité sociale plus poussée des entreprises opérant à l’international, dépassant le simple objectif commercial pour intégrer des notions de développement durable et de contribution au bien-être général.

Sophie Guichard : Comment la durabilité et les normes environnementales influenceront-elles nos décisions commerciales d’ici 2030 ? Comment aborder l’interaction entre les impératifs environnementaux croissants, demandés, nécessaires et les stratégies d’internationalisation des entreprises ?

Jean-Michel Huet : Ces normes deviendront incontournables en raison de la régulation attendue, mais il y a des défis pratiques pour les entreprises, comme le coût et la détection des impacts négatifs sur la biodiversité. Je prévoit une montée en puissance des exigences environnementales, nécessitant des efforts pour surveiller et atténuer les impacts.

En ce qui concerne les défis géopolitiques, la complexité des mouvements actuels, des phénomènes opposés peuvent se produire, comme la tendance annoncée à la dédollarisation dans certains pays qui n’est pas aussi flagrante sur le terrain. Je soulignerai donc l’importance des questions géopolitiques, des flux financiers et des fluctuations monétaires, et la nécessité pour les entreprises de se préparer à ces changements.

Nathalie Rodary : une perspective supplémentaire, j’appelle à un leadership féminin plus fort dans le domaine du commerce international, et l’urgence de repenser les modes de fonctionnement et de communication avec une conscience systémique plus profonde.

LA NÉCÉSSAIRE PRISE EN COMPTE DE L’INFLUENCE DES DYNAMIQUES GÉOPOLITIQUES

Sophie Guichard : Une dernière question, un changement majeur, déjà présent dans le paysage du commerce international :  l’influence des dynamiques géopolitiques. On a des tensions commerciales entre grandes puissances aujourd’hui, on a des évolutions dans les alliances régionales, en passant par les impacts des crises politiques sur les flux économiques mondiaux. Ces défis vont déjà aujourd’hui avoir un effet significatif sur la manière dont les nations et les entreprises interagissent sur le plan commercial. Jean-Michel, selon vous, quels défis géopolitiques pourraient impacter les échanges commerciaux mondiaux dans la prochaine décennie? Il y a les guerres actuelles, mais aussi la fragmentation des blocs, la montée en puissance des BRICS, la dédollarisation dans les échanges commerciaux, on en entend beaucoup parler, est-ce que vous pourrez nous partager votre point de vue là-dessus? Je vous donne un rapide exercice de prospective au regard de votre expertise chez BearingPoint et à l’Observatoire du Développement International. Merci pour le challenge.

Jean-Michel Huet : Déjà, je pense que dans tout ce que vous avez cité il peut y avoir des effets contraires. Je n’ai pas de lampe de cristal. Vous parlez de dédollarisation, regardez en Argentine, on est plutôt dans une voie de dollarisation d’économie argentine. J’étais une semaine à Kinshasa au Congo, c’est une économie qui se dollarise aussi. Donc dans tout ce qu’on disait il y a 6 mois sur la dédollarisation, je pense qu’il y a un phénomène inverse. Donc effectivement, il va y avoir plein de mouvements, mais je pense que les trois principaux, ça reste les questions géopolitiques, l’actualité récente nous le montre, et très clairement cette dimension géopolitique est importante, et d’ailleurs, on va en faire un détail, ça mériterait une conférence en soi, mais c’est clair, il y a les dimensions effectivement autour des systèmes financiers, dollars versus euros versus monnaie chinoise, etc. ça reste un driver économiquement important et d’ailleurs quand on est dans des entreprises qui exportent, ces fluctuations-là restent importantes.

Encore une fois, en Europe, on a oublié que la monnaie pouvait avoir des taux de change. Je dit toujours aux entreprises, celles qui ne font que de l’Europe, le jour où vous sortez de l’Europe, n’oubliez pas les compétences en termes de couverture de taux de change et autres.

Les acteurs financiers qui sont en Europe ont juste oublié ça parce que depuis 20 ans, on n’a plus ce problème en Europe. Donc effectivement, le jeu politique, toutes ces questions autour des flux financiers, donc de la dollarisation, pour reprendre l’expression, tout ce qu’on a évoqué également autour des technologies, ça c’est clairement un enjeu et je pense qu’on ne maîtrise pas encore tout ce qui va se passer.

Et puis, le dernier point qu’on a évoqué, c’est toute la prise en compte, on est à l’ouverture de la COP 28, de ces questions, parce que ça va devenir de plus en plus important, à la fois en termes d’enjeux, de contraintes, et je pense que ça va devenir incontournable et que les entreprises qui se disent « bon mais ça, ça ne me concerne pas », risquent d’avoir de mauvaises surprises dans deux, trois ans.

Nathalie Rodary : Je voulais juste aux deux dernières questions qui ont été posées, je voulais apporter ma toute petite réponse, mais juste avec ce mot-là qui est qu’au-delà de tous ces points très techniques abordés, j’ai envie de dire, mesdames, mesdames, très largement, investissez vous aussi le champ du développement-exportation.

Nous manquons très sérieusement partout sur la planète d’un véritable leadership des femmes pour repenser les manières d’être, de faire, d’échanger, d’être en relation, d’être en communication et avec cette conscience systémique propre à la dimension du féminin. Donc il y a urgence à cela.

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